Pour m’aider à répondre à la question « C’est quoi un attaché de presse », j’ai réalisé l’interview de Katia Mahieu, attachée de presse belge.

Interview
MC – Comment vous est venu l’idée de devenir attachée de presse ? C’est quoi un attaché de presse – Interview de Katia Mahieu
Les études
K.M. – J’ai débarquée dans la musique complètement par hasard. Je me destinais plutôt au théâtre. J’ai fais des études, des humanités, dans lesquelles j’ai eu l’occasion de faire beaucoup de théâtre. Quand j’avais dix-sept ans, j’ai eu envie de faire l’INSAS ou l’IAD.
Puis, j’ai fait des études de communication à l’IHECS pour rassurer mes parents et mes professeurs tout en faisant du théâtre en parallèle. Cela m’a donné envie de travailler dans les coulisses du spectacle.
Ensuite, j’ai travaillé dans une asbl qui s’appelle l’Atelier de la Dolce Vita qui organise des concerts, des expositions, du théâtre, des lectures, etc. Je travaillais en parallèle dans les assurances, dans la protection juridique.
Le Botanique
Par la suite, j’ai un copain qui m’appelle et me dis : » Tiens, j’ai entendu dire qu’il y aurait peut-être une place qui se libère au Botanique. Avec un peu de chance, ce sera pour le secteur théâtre, je n’en sais pas plus « . J’ai envoyé mon CV pour y travailler mais dans le secteur musique ! C’est grâce à Paul-Henri Wauters, qui est aujourd’hui directeur du Botanique, que j’ai été engagé, que j’ai découvert les coulisses des concerts et que je suis tombée complètement amoureuse de cet univers.

J’ai travaillé en tant qu’assistante de promotion, de relations publiques et de production.
Les Majors
J’ai eu la chance d’être en contact direct avec l’attaché de presse du Botanique et des attachés de presse des artistes. De fil en aiguille, j’ai rencontré les différents responsables des maisons de disque et un jour on m’a proposé le job d’attachée de presse, responsable promo chez Warner. C’est comme ça que je suis devenue attachée de presse.
Je suis resté trois ans et demi au Bota, deux ans et demi chez Warner et dix ans chez Sony.
Chez Sony, on avait une grande équipe. On était soixante-quatre. Il y avait une vraie équipe promo conséquente à l’époque. On était deux attachés de presse. Cette équipe qui nous permettait de consacrer plus de temps sur les projets, ce qui me manquait un peu avant.
Je suis devenue responsable promotion, brand manager pour le catalogue français, latin, québécois et local francophone. Je m’occupais de certains événements, de certaines actions ventes et des actions web.
J’ai adoré avoir cette vision à 360° du métier. J’avais envie d’approfondir tout ça.
Kat’s Eyes
Après dix ans, on a subi beaucoup de restructurations à cause de la crise du disque et des arrivées des plateformes musicales, entres autres, qui ont provoqués la chute des ventes. De soixante-quatre on est passé à dix-neuf personnes. On m’a alors proposé de réduire le spectre de mes activités à un poste de marketing pur. Mais ce que j’aimais c’était également le terrain et avoir une vision complète d’un projet.
J’ai alors décidé, en toute sérénité, de quitter Sony et de créer d’autres choses tels que Kat’s eyes, mon projet d’attachée de presse indépendante. Je travaillais en même temps en tant qu’indépendante complémentaire comme responsable des événements pour Cap 48 et Viva For Life, qui sont les opérations de solidarité de la RTBF.
Je suis indépendante complète avec le projet Kat’s Eyes depuis 2019.
MC – C’est quoi un ou une attaché·e de presse ?
K.M. – Être attachée de presse veut dire donner envie au plus grand nombre de se pencher sur le projet que l’on défend.
On va se plonger dans le projet d’un artiste, dans son univers et dans tout ce qu’il veut raconter pour en être le meilleur ambassadeur vers l’extérieur.
Il va donc falloir être convaincu par le projet pour pouvoir l’emmener le plus loin possible et le faire rencontrer le plus de public possible.
J’ai de la chance de pouvoir choisir les projets sur lesquels je travaille selon le coup de cœur. Cela peut être un coup de cœur artistique, humain, par rapport à l’équipe, par rapport au projet, etc.
Le timing
Un autre facteur qui est également déterminant aujourd’hui, c’est le timing. Je ne suis pas entourée de quinze personnes et cet élément-là est important.
Si je veux privilégier l’humain et la relation à l’artiste, aux programmateurs, aux journalistes et à toutes les autres personnes qui gravitent dans notre univers, il faut pouvoir répondre aux appels, répondre aux mails, dans un délai plus ou moins raisonnable. Il y a donc une vraie question de temps que l’on peut allouer à chaque projet.
On est souvent payés au forfait par rapport à nos engagements et il est important de pouvoir délimiter cette contrainte.
C’est un vrai dilemme parfois car je me dis que certains projets sont géniaux mais je ne peux pas décemment les accepter, de travailler en plus des projets que j’ai déjà. Ce n’est pas honnête. Ni par rapport aux artistes desquels je m’occupe, ni par rapport aux artistes qui pourraient éventuellement rejoindre l’équipe.
Cela demande du temps de répondre au téléphone, de se plonger dans l’univers artistique de chacun pour pouvoir écrire une biographie, écrire un communiqué de presse, envoyer des mails aux médias. Il faut avoir une vision périphérique de chaque projet pour leur trouver la meilleure case, pour les mettre en lumière comme ils le méritent.
Il faut avoir du temps de recul pour réfléchir. Quel serait la meilleure émission radio, TV ? Est-ce le bon moment pour faire un concert dans telle ou telle salle ? Si oui, avec quel partenaire ? Etc. Je suis souvent amenée à répondre à toutes ces questions-là aussi.
La pierre angulaire
Les fonctions d’un attaché de presse aujourd’hui sont multiples. Il faut être une pierre angulaire entre différents métiers. Entre la radio, la TV, la presse écrite, les sites web, les promoteurs, les bookers, etc. Tous le métiers de l’ombre dont on oublie souvent l’importance. Cela va jusqu’à briefer un ingénieur son ou un ingénieur lumière qui va se demander quel est l’univers de l’artiste pour une émission de TV par exemple.
On va aussi être amenés à répondre à des questions très pratiques telles que : » peut-on on mettre des danseurs derrière l’artiste lors de l’émission TV ? « , par exemple. La plupart du temps il n’y a plus de directeur artistique aujourd’hui. On va donc avoir ce rôle-là aussi car on est les premiers contacts des médias. Entre, les productions radios, TV et les artistes ou leur équipe de management quand il y en a une.
L’évolution
Aujourd’hui il y a de plus en plus de questions. Nos métiers ont fort évolués depuis quelques années, de manière exponentielle.
L’attachée de presse fait aussi des photos pour accompagner les réseaux sociaux des artistes qu’elle accompagne. Elle fait partie des relais indispensables car les médias qui suivent l’artiste ont besoin de savoir ce qu’il faut mettre en avant.
En tant que directeur artistique on va pouvoir conseiller les meilleurs titres à passer aux moments opportuns.
Après les inondations en Belgique, un artiste étranger me demandait si on pouvait lancer un single, une ballade triste. Ce n’était pas le bon moment. Les gens avaient sans doute davantage besoin de chansons positives pour tenir le coup, de se changer les idées. C’est mon point de vue.
Notre rôle est aussi de faire évoluer l’artiste en restant objectifs en trouvant les bons mots pour rester dans le positif. On va aussi chercher à faire évoluer l’avis des programmateurs en apportant des arguments pour défendre un titre.
Je suis, pour ma part, en contact régulier avec les médias. Pas tout le temps au même endroit ni de la même manière mais généralement une fois par semaine en rotation pour chacun.
MC – Choisis-tu également un artiste en fonction de son potentiel commercial ? C’est quoi un attaché de presse – Interview de Katia Mahieu
K.M. – C’est ce que je disais au début. Je fonctionne vraiment au coup de cœur. Il n’y a pas un impératif d’être hyper commercial. Si la musique, la thématique ou l’équipe de l’artiste ne m’émeut pas, ne me donne pas envie de me lever pour écouter son projet, pour l’entendre défendre sa musique et son univers, je sais que ça m’amusera moins. Et moi j’ai vraiment envie de continuer à m’amuser dans ce métier.
Je travaille dans la musique depuis vingt ans. Si j’y suis toujours, c’est parce que c’est un job de passionné. Si je n’avais plus l’envie de défendre les projets artistiques sur lesquels je travaille, je ferais autre chose.
Ce n’est pas du tout l’aspect commercial qui m’anime. Si c’était le cas je serais sans doute resté affiliée à d’autres choses et certains projets de mon catalogue n’en feraient pas partie. Ce sont des projets qui s’adressent à un public confidentiel dans un premier temps, qui sont en développement. Mais ils ont tous un potentiel de dingue pour rencontrer leur public.
J’ai des artistes très différents. Je m’occupe du roi de l’accordéon, Michel Pruvot, je m’occupe du chanteur Henri Seroka, de Sarina, de Ozya mais aussi de Patrick Bruel ou de Pascal Obispo.
Je remercie d’ailleurs Patrick Bruel qui a été le premier à me faire confiance au moment où j’ai lancée Kat’s eyes. Cela fait dix ans que l’on travaille ensemble. Il m’a suivi après Sony et cela fait cinq que je travaille avec lui en tant qu’indépendante.
MC – Travailles-tu avec toutes les radios ?
K.M. – J’ai la chance de pouvoir travailler avec toutes les radios. J’ai fait le choix d’avoir un catalogue très large et j’essaie d’avoir des artistes qui ne se font pas concurrence les uns avec les autres.
MC – Comment gère-t-on l’équilibre vie privée et professionnel en tant qu’attachée de presse ? Car on est souvent sollicité le soir, les week-ends ?

M.K. – J’ai la chance d’avoir une petite fille de dix ans qui a toujours vu sa maman travailler avec le sourire. C’est le plus bel équilibre que je puisse donner aux gens qui m’entourent.
Je n’ai pas l’impression de travailler dans mon job. C’est une chance inouïe. Je me suis toujours dit que le jour où je me réveillerais avec des pieds de plombs et que je n’aurais pas envie d’aller travailler, si j’avais le luxe de pouvoir choisir, je changerais.
Aujourd’hui j’ai la chance, énorme, de faire un métier que j’aime et que cela me permet de remplir mon frigo.
M.C. – C’est également une réalité importante.
K-M. – Bien sûr que c’est important. Il y a un fantasme de dire que tous ceux qui travaillent dans la musique sont millionnaires. Je ne le suis pas du tout. Je ne suis pas riche mais ce métier me permet d’avoir un équilibre entre le fait de pouvoir vivre de mon métier et que ce soit une passion.
L’énergie
M.C. – Ce métier n’est-il pas trop chronophage ? Il faut beaucoup d’énergie.
K-M. – Il faut beaucoup d’énergie ça c’est clair. Je suis quelqu’un d’hyperkinétique donc ça m’arrange. J’ai la chance d’avoir un job qui soit loin des bureaux. J’ai eu des métiers de bureau, neuf cinq et je sais que ça ne me correspond pas.
Je sais aussi, pour l’avoir vécu avec de nombreux étudiants stagiaires et autres, que pour certains il est inimaginable d’avoir ce job à temps plein. Que c’était très bien le temps d’un stage de trois à six mois mais qu’au-delà de ça ce n’est pas gérable. Certains préfèrent et c’est tout à leur honneur, avoir tous leurs lundis soirs de libre pour aller à des cours de sport, le mercredi soir pour voir leurs potes et le samedi soir en famille pour voir leurs grands parents.
Des rendez-vous réguliers pour moi c’est impossible. Mes horaires changent toutes les semaines. J’ai essayé de m’inscrire à un cours de pilâtes, ça a duré trois mois avec des jours où j’ai dû envoyer des sms en catastrophe en disant que je ne pourrais pas être présente.
La COVID-19 pour ça a été très éclairant au niveau de mon entourage qui se disait que tout d’un coup ils me voyaient tout le temps. Effectivement, je n’avais plus de concert, etc. en période post confinement dur. Malgré tout, on a quand même continué à organiser de petites choses en respectant toutes les mesures sanitaires. Même si ces projets n’étaient pas » rentables » on a continué à les faires car on en avait tous besoin. Ce sont des moments qui sont très précieux pour moi.
Cela me rend heureuse et cela rejaillit sur ma famille. Ma fille vient au concerts avec moi quand c’est possible. C’est un équilibre à trouver. Il faut être bien entouré. J’ai la chance d’avoir un compagnon et une famille qui prennent le relais quand c’est nécessaire.
L’organisation
Il faut avoir une bonne organisation, tout noter et tout anticiper dans la mesure du possible car c’est un métier d’improvisation. Il faut pouvoir vite réagir, ne pas être trop rigide par rapport à un planning. Pour ceux qui ont besoin d’un cadre précis et de pouvoir planifier leurs vacances longtemps à l’avance, ce job va les rendre vite cinglés ou malheureux.
Il y a un aspect qui est très compliqué à gérer quand on est en famille, en couple, c’est l’intrusion des réseaux sociaux, des groupes WhatsApp, des messages intempestifs. Lors du confinement, pendant quelques mois, on était joignables H24. Cela peut-être très vampirisant car il n’y a pas de limites ni d’horaires. Surtout quand je travaille avec des artistes étrangers qui sont en décalage. C’est compliqué de mettre des limites mais cela doit se faire car si on commence à avoir peur de recevoir certains messages on y sera sans doute moins attentifs ou moins accueillants.
MC – As-tu un style musical de prédilection en tant qu’attachée de presse ? C’est quoi un attaché de presse – Interview de Katia Mahieu
K.M. – Je réponds vraiment pour moi car je sais que certains collègues sont plus sensibles à un certain style de musique plutôt qu’à un autre.
J’ai la chance d’avoir grandi avec des parents qui écoutaient des choses très différentes. Ma maman était fan des sixties et mon père de Barry White, de Clapton. J’ai grandi avec la radio et la TV dans les années quatre-vingts, nonante. J’avais des copains qui écoutaient aussi bien The Cure que R.E.M. et Garbage, entres autres. Du coup, entre Bob Marley et Bob Dylan, beaucoup de sons sont arrivés à mes oreilles. La pop, l’électro et la chanson française aussi. Moins la musique classique.
Le fait d’avoir travaillé au Botanique m’a permis d’élargir énormément cet aspect-là.
Donc aujourd’hui, je peux être séduite par énormément de styles différents. C’est ce qui me permet de travailler avec tous les médias, toutes les radios. Je travaille aussi bien avec Tarmac qu’avec Nostalgie, Classic 21 ou Fun Radio. C’est ça qui est chouette car cela me permet de garder un contact avec chacun.
MC – Il y a combien d’attachés de presse en Belgique Francophone ?
K.M. – En tant qu’indépendants on est neuf.
M.C. – Sont-ils tous aussi éclectiques que toi ?
K.M. – C’est ce que je te disais, certains sont plus spécialisés ou se dirigent davantage vers certains styles de musique en fonction de leurs goûts. C’est tout à leur honneur d’être fidèles à ça et d’avoir une crédibilité énorme dans leur secteur.
M.C. – Y a-t-il un attaché de presse spécialisé en chanson française ?
K.M. – C’est compliqué de parler pour quelqu’un d’autre. Entre nous on se dit souvent : » par rapport à tel projet si ce n’est pas pour moi, je pense plutôt qu’untel ou unetelle sera intéressé∙e « .
Collaboration
M.C. – Vous vous entendez bien entre attachés de presse ?
K.M. – Ah oui, Il y a une vraie collaboration. Depuis la COVID-19, on s’est fédérés. On s’est mis ensemble et on a créé une fédération des attachés de presse musicaux. On se parle très régulièrement entre nous et il y a une vraie amitié qui grandit depuis des années car on se connait tous.
La Belgique francophone fait que l’on est tous amenés à participer aux mêmes émissions, aux mêmes festivals. On se renvoie très souvent la balle sur certaines choses. C’est aussi important de pouvoir échanger à propos de notre métier. Par exemple : » – Tiens, tu as réussi à contacter telle radio pour tel événement ? – Non, tu as eu des infos ? – Oui j’en ai eu. » On s’échange pas mal d’informations quand c’est nécessaire et c’est chouette.
Je peux les citer, il y a Olivier Biron et Valérie Dumont qui font un travail formidable, comme Laetitia Van Hove, Christophe Waeytens, Catherine Grenier, David Salomonowicz, Marc Radelet et Laurent Walschot.
Un métier multiple
Le métier grandit aussi grâce à ça car on réfléchit par rapport à toutes sortes de problématiques et on essaie de faire bouger les lignes. C’est notre rôle pour pour sortir les projets de l’ombre.
Pendant la COVID-19 on n’avait pas droit aux mêmes aides que les autres car notre métier était très méconnu. On ne se rend pas toujours compte de la complexité du métier d’attaché de presse. Moi-même j’ai parfois du mal à le définir car il change en fonction des projets.
Être attachée de presse d’un projet belge francophone en développement n’est pas la même chose qu’être attachée de presse d’un projet qui est signé en Major, un projet français qui vient en Belgique pour le défendre, sur un autre territoire.
Je peux parfois être responsable promo mais aussi du management et de Community management. En plan promo, je peux prendre des photos, des vidéos, créer des stories, vérifier les postes à la fin, taguer les gens car les artistes ne savent pas toujours le nom ou les prénoms des gens présents. On a ce rôle-là, le rôle de création de contenu et de relais.
Souvent on multiplie les casquettes pour faire subsister certains projets. Quand un projet explose et qu’on a plus de budget on est très heureux de pouvoir agrandir les équipes.
Je m’occupe de beaucoup d’artistes belges et on n’a pas les moyens d’engager cinq personnes qui seraient nécessaires pour gérer les cinq postes ou qu’on rêverait d’avoir sur un projet.
MC – Comment fait un artiste émergeant qui n’a pas toujours des revenus réguliers pour s’offrir vos services ? C’est quoi un attaché de presse – Interview de Katia Mahieu
K.M. – Ils n’ont en effet pas toujours des revenus récurrents et bien souvent les artistes doivent avoir prouvé certaines choses avant de pouvoir être subsidiés. Ils n’ont pas toujours le statut d’artiste de manière immédiate par exemple. Ils doivent pouvoir justifier une série de contrats avant.
MC – La plupart du temps, un artiste doit donc être subsidié pour pouvoir travailler avec toi ?
K.M. – Pas forcément. J’ai beaucoup de projets qui fonctionnent sur fonds propres d’artistes qui ont décidé de s’autoproduire. Il y a aussi des projets que je produit ou co-produit. Je capitalise sur l’avenir avec l’artiste. On octroie alors autant de temps et ou de budget pour faire avancer un projet. Ce n’est pas possible à chaque fois évidement et ça doit être de vrais coups de cœur.
Il n’y a pas un modèle économique identique pour chaque projet.
Certains projets sont passés par des plateformes de crowdfunding tels que Kiss Kiss Bank Bank par exemple et ont bien fonctionnés pour se financer.
Relais
Ce qui est souvent dommage, c’est que les artistes, quand ils ont un budget, misent tout sur l’enregistrement de leur album dans un très bon studio et n’en ont plus pour payer un attaché de presse. Ce magnifique album n’a donc plus les moyens d’être présenté à l’extérieur.
Je vois aussi qu’un artiste se retrouve bloqué à un certain moment donné quand il essaie de tout faire tout seul. Il lui faut des relais qui vont défendre son projets corps et âme. On ne peut pas tour faire via le numérique.
On sert aussi de filtre entre les avis positifs et négatifs. Il n’est pas toujours possible de dire à quelqu’un de jeune que tout ce qu’il fait est génial, il faut garder les pieds sur terre. Quand il y a des critiques négatives de certaines radios ou médias, il faut aussi pouvoir dire les choses de manière constructive et positive. Surtout que les avis peuvent changer et les titres qui n’étaient pas le bienvenus sur les ondes à un moment donné peuvent s’y retrouver six mois plus tard. Quand on y crois, on ne va rien lâcher et revenir plus tard, à un meilleur moment.
Longévité
Je crois aussi à la longévité des collaborations. Quand on construit une histoire artistique, on construit aussi une relation humaine avec les différents intervenants du projet. Cette relation sur le long terme avec les partenaires est indispensable parce que le projet n’en sera que mieux présenté sur la longueur. C’est important de connaître l’historique, de savoir qui tu as en face de toi.
Quelle est la chronologie de certains événements, de l’album un, deux, trois, de l’EP, de la tournée, des concerts en salle, des petites salles, des grandes salles, des festivals. Pourquoi tel revirement, telle histoire, telle anecdote ? Cela permet à l’attaché·e de presse quand il travaille sur un projet sur le long terme, d’avoir une mémoire et de pouvoir se raccrocher à des événements et des partenariats qui ont eu lieu dans le passé pour pouvoir les faire rebondir dans le présent et l’avenir.
C’est pour ça que je défends beaucoup la relation sur le long terme. Mais c’est aussi ça qui rend compliqué le fait d’accueillir de nouveaux projets. On n’est pas dans une science exacte, on ne sait pas quand un projet va démarrer, s’il va fonctionner ou pas. Quel sera son avenir ? Y aura-t-il plusieurs concerts ? Du coup, je me retrouve parfois avec des agendas qui se chevauchent fort.
Je disais aussi que j’essaie de ne pas avoir des artistes qui se font concurrence, c’est également pour ces raisons-là. Je veux pouvoir garder de la marge de manœuvre et ne pas être dépassée par la multitude d’informations qui arriverait en même temps pour pouvoir défendre chaque projet.
MC – Quelle est la meilleure manière d’entrer en contact avec un·e attaché·e de presse ?
K.M. – Par mail tout simplement ou via les réseaux sociaux. Je reçois énormément de demandes via Messenger, Instagram ou WhatsApp. Mais cela reste essentiellement du bouche à oreille, des recommandations ou via les autres attachés de presse. Parfois, en entendant un single, je me dis oui, c’est pas mal mais pas forcément pour moi mais plutôt pour untel.
C’est aussi rassurant et un gage de sécurité de savoir que nos noms circulent.
MC – Quelle est la meilleure manière d’entrer en contact avec toi particulièrement ? C’est quoi un attaché de presse – Interview de Katia Mahieu
K.M. – Sur mon répondeur je demande de me laisser un message positif et pétillant. C’est la manière dont quelqu’un se présente et va défendre son projet qui va être déterminant. Si quelqu’un te dis ; » Voilà, j’ai un truc mais je ne suis pas trop sûr mais bon je vais quand même vous l’envoyer « , c’est moins engageant que quelqu’un qui va dire : » Voilà, j’ai un projet dans lequel j’ai mis toutes mes tripes. C’est le projet de ma vie. Ce n’est pas parfait mais j’ai vraiment besoin d’une équipe pour m’accompagner dans mon aventure parce que je sais que ça ne va pas être facile mais c’est un projet dans lequel je crois « .
C’est pareil quand quelqu’un que tu ne connais pas vient vers toi en grommelant plutôt que quelqu’un qui te tends la main en souriant.
La présentation peut être originale, sous toutes les formes mais elle doit être sincère. J’ai besoin d’authenticité.
MC – Comment vas-tu dire qu’un projet ne te correspond pas ?
K.M. – Je suis assez cash donc je peux dire à l’artiste que je ne suis pas tentée par le projet et que je n’arriverai pas à le défendre comme il faut. Mais bien souvent c’est une question de temps, de timing. Si mon temps est trop court, je suis réactive et je vais orienter la personne vers quelqu’un d’autre.
M-C. – Et si tu sens que la personne ne peut pas être réorientée, que tu as l’impression que personne ne va être intéressé par cet artiste ?
K.M. – C’est plus subtil et là je vais te dévoiler pleins de choses (rires). Je vais lui suggérer bien souvent de travailler un peu plus son projet ou d’affiner sa présentation. Parfois il y a un manque cruel de cohérence dans un projet. Parfois, la musique est géniale mais elle est présentée de manière très rébarbative, ou pas du tout raccord.
M-C. – Tu me parles du côté visuel mais si c’est uniquement au niveau musical ?
K.M. – Je ne suis pas expert musical, je suis attachée de presse. Je pense avoir suffisamment d’humilité pour ne pas me soustraire au goûts musicaux de la terre entière. Si la musique ne me touche pas, ce n’est pas pour ça que ça ne va pas toucher quelqu’un d’autre.
Si on n’entend pas la voix, que les instruments sont trop forts ou qu’il n’y a pas de cohérence dans son album cela va être difficile de le présenter. A ce moment-là je peux donner des directions, un avis global.
MC – Combien coûtent les services d’un∙e attaché∙e de presse ? C’est quoi un attaché de presse – Interview de Katia Mahieu

K.M. – C’est très simple et on n’a pas de tabous. Entre collègues, on s’est tous alignés depuis la COVID-19. Les formules sont faites sur mesure par rapport aux besoin des artistes. On fonctionne essentiellement au forfait et on ne descend généralement pas en dessous de cinq cents euros par mois.
Un forfait de cinq cents euros par mois servent à défendre le projet en Belgique francophone auprès de tous les médias. Puis, il y a d’autres formules plus étendues.
On ne travaille pas en dessous de trois mois sur un projet. Tout simplement parce qu’il est très compliqué d’installer un single en radio en dessous de trois mois. De le présenter à tout le monde, d’avoir les premiers résultats.
Idéalement pour présenter un album, tu vas d’abord présenter un premier puis un deuxième single.
Sur une période de six mois, je vais garantir deux journées de promotion pendant lesquelles je vais démarcher, présenter le projet aux médias. Ce sont des standards.
J’ai souvent des formules qui s’étendent sur les tournées. C’est un package entre la promo single, l’album et la tournée. Parfois l’artiste ou la maison de disque prennent en charge une partie. Certains veulent que je m’occupe de leur projet en profondeur alors on change la formule. Elles sont adaptables en termes de prise en charge et de budget.
On peut augmenter ou diminuer les budgets en fonction des périodes ou on met les projets en stand-by comme pendant le confinement par exemple.
MC – Aujourd’hui, un artiste peut sortir un single quand il veut si je ne me trompe pas ? Il n’est plus obligé de sortir tout un album juste avant la période de Noël ou le grandes vacances ? Qu’en est-il ? C’est quoi un attaché de presse – Interview de Katia Mahieu
K.M. – C’est juste. C’est pour cet aspect là aussi que l’on est souvent sollicités en tant qu’attachés de presse. On va aider à trouver la meilleure période pendant laquelle distribuer une chanson. La période que tu citais était une période très chargée au niveau de la sortie d’albums. C’était la période cadeaux, on offrait un album pendant les fêtes.
M.C. – Et le CD ne se vend plus.
K.M. – Effectivement beaucoup moins mais ça dépend du public. Frank Michael, par exemple, mais il y en a d’autres, vend encore énormément d’albums.
Changement de mode
Aujourd’hui les radios veulent renouveler plus souvent leur playlist pour coller à la réalité, à une envie des auditeurs. Le mode de consommation a changé. On est dans un mode de vie où tout doit aller beaucoup plus vite.
Quand une chanson est mise en radio en haute rotation, tu es saturé au bout d’un moment. Certaines chansons sont aussi grillées à cause de ça parce qu’on les entend trop et qu’on les voit partout.
La programmation des single peut aujourd’hui être aménagée en fonction des besoins, des envies et de l’actualité.
Certains programmateurs ont l’intelligence de voir aussi ce qu’il se passe sur les ondes des autres radios, d’avoir une vue globale et de pouvoir ainsi mettre en valeurs certains projets. Cela pour donner la chance à d’autres.
Pendant le confinement, beaucoup de radios ont diffusé davantage d’artistes belges francophones. C’est un gros atout dont on a bénéficié. Certains projets ont émergé grâce à cette période car il y avait plus de place en radio. Il y avait beaucoup moins de sorties internationales. Il y avait beaucoup moins d’événements qui prenaient de la place sur les antennes. Que ce soient les festivals, le salon de l’auto, foire du livre ou autre, les courses vélo, etc. La télé et les radios ont du, en 2020, remplir des plages énormes. Plus personne ne venait sur les plateaux.
MC – Faut-il un attaché de presse différent selon les pays ?
K.M. – Je dirais oui parce que chaque pays a ses spécificités et ses contacts. Pour certains projets en France il peut y avoir cinq attachés de presse différents. Certains collègues français sont parfois étonnés d’entendre que je m’occupe de tous les médias. Je leur dis que le territoire n’est pas du tout le même qu’en France évidement.
Toutes les radios nationales chez nous sont basées à Bruxelles dans le même périmètre. Ce qui est assez pratique. De plus, il y a des groupes de médias qui regroupent également plusieurs radios. C’est une spécificité qui n’existe pas forcément en France.
Pour la France, l’équipe française est déjà déterminée et on vient me chercher pour développer le projet à l’internationale. La Belgique est souvent la première sur la liste pour ça. Pour promouvoir un artiste en France, c’est la même chose. On va réfléchir à la meilleur équipe qui puisse fonctionner.
Un jeune artiste belge qui n’a pas encore fait ses preuves a la chance de pouvoir développer sa musique en Belgique car on a des médias qui sont très bienveillants. Les radios sont plus ouvertes à la diversité musicale qu’en France par exemple. Il y a une vraie prise de risque au niveau de la programmation musicale sur certaines chaines radio.
Contrairement à ce que l’on pense, il y a un réel développement possible des artistes belges francophones en Belgique. Il y a une très chouette scène aussi. Des festivales, des endroits de concerts où l’artiste peut apprendre son métier avant de se frotter à la scène internationale ou la concurrence est grande.
La marché belge francophone est à taille humaine.
MC – Que penses-tu de l’arrivée des plateformes musicales aujourd’hui ? Est-ce positif par rapport à l’artiste et l’attaché de presse ? C’est quoi un attaché de presse – Interview de Katia Mahieu

K.M. – Aujourd’hui un artiste peut sortir un projet en totale indépendance grâce à tout ce qui est en place aujourd’hui. On n’est plus obligé d’être signé en Major pour pouvoir sortir un projet.
Il y a plein d’artistes aujourd’hui qui ont une réelle existence audiovisuelle tout en n’étant pas signés.
Un artiste peut, grâce aux plateformes, peut programmer la sortie d’un single quand il en a envie et être distribué dans le monde entier.
Ce n’était pas possible avant. Avant, l’artiste dépendait d’un calendrier, d’une maison de disque, de la mise en rayon dans les magasins. C’est un drame pour toute l’industrie qui voit ses chiffres chuter à ce niveau-là mais il y a d’autres rentrées. Il faut pouvoir s’adapter à ce qu’il se passe, à la demande du public et à l’actualité.
Les médias sociaux nous permettent de diffuser un multitude de contenus en un temps record ce qui est très confortable.
Le revers de la médaille est qu’il y a une quantité astronomique de contenu et qu’il faut faire sa place là-dedans. Dans les années soixante c’était plus facile, il y avait x artistes et tu choisissais ton camp entre les Beatles et les Rolling Stones par exemple.
Aujourd’hui, vas-y pour faire ton choix parmi tous les artistes qui proposent de nouvelles chansons toutes les semaines.
On a un choix gigantesque. L’artiste qui va se démarquer aujourd’hui sera celui qui sera original mais surtout qui va parler avec son cœur.
MC – Comment un artiste gagne-t-il sa vie aujourd’hui ?
K.M. – Par la scène essentiellement.
M.C. – Pas par les passages radios ?
K.M. – Les passages radios aident à mettre du beurre dans les épinards. Cela va permettre d’aider l’artiste à payer son attachée de presse par exemple. Plus tu passeras en radio, plus tu pourras t’entourer d’une bonne équipe. C’est un cercle vertueux.
Mais, c’est la scène qui va lui permettre de vivre et de rentrer dans son projet. C’est aussi la scène, pour un artiste belge, de prétendre au statut d’artiste.
Ce que les gens oublient souvent c’est que même si les artistes ont de gros cachets, cela permet de faire vivre toute une équipe derrière. Sur des grosses productions on est à minimum vingt personnes.
MC – Comment gères-tu l’égo de certains artistes ? C’est quoi un attaché de presse – Interview de Katia Mahieu
K.M. – (Rires) C’est bizarre comme question. C’est plus une question de personnalité. C’est une question de feeling dans les premières prises de contact entre l’artiste et moi. Si je me rend compte qu’il est misogyne, je vais avoir du mal à travailler avec lui. S’il ne défend pas du tout les mêmes valeurs que moi dans son projet, même chose.
L’égo c’est plutôt de la sensibilité par rapport à certaines choses. Il y a certains projets où certains artistes peuvent sembler avoir un égo particulier mais il faut se demander pourquoi. Est-ce par rapport à la défense d’un projet qui les tient terriblement à cœur, dans lesquels ils ont mis toutes leurs tripes et qu’ils ont envie qu’on le défende pleinement à leur côté ? C’est plutôt du professionnalisme alors ou l’envie d’être hyper précis, perfectionniste. Dans ce cas-là, je n’ai pas de soucis.
Si c’est quelqu’un qui se prend pour le nombril du monde sans aucune raison et qui en plus est désagréable, je lui dirai gentiment que je n’ai plus le temps (rires).
J’essaie de faire attention pour protéger autant l’artiste que moi dans notre collaboration et de protéger les partenaires avec qui je travaille.
MC – Y a-t-il un artiste que tu affectionnes particulièrement, dont tu ne t’occupes pas forcément en tant qu’attachée de presse ?
K.M. – Quelqu’un que j’adore c’est Mika. Au niveau de sa, musique, de son style et de ce qui transparait dans ses yeux, je trouve que c’est quelqu’un qui parait tellement vrai. Tellement fou aussi dans sa manière d’être et de vivre les choses à fond.
C’est quelqu’un qui me donnerait envie de continuer à bosser dans l’univers musical car il a vraiment l’air de s’éclater. En termes de musique il a aussi offert des choses très différentes et très vivantes.

MC – Qu’est ce qui fait un bon attaché de presse ?
K.M. – La passion. L’envie, la curiosité et d’oser certaines choses. Le fait d’oser croire en un projet qui de prime abord ne semble pas évident. Le fait d’oser se mettre en danger en terme d’innovation. Il faut pouvoir surprendre l’artiste, le média ou le public.

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