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Chansons d’auteures francophones : L’Amour en Solitaire de Juliette Armanet

par | Juin 25, 2021 | Analyse de chansons | 2 commentaires

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Juliette Armanet - L'Amour en Solitaire - Méthode Chanson

Parmi les chansons d’auteures francophones, L’Amour en Solitaire de Juliette Armanet est un titre qui m’a emporté, qui m’a fait voyager instantanément.

Par ce morceau, une star venait de naître.

J’aime sa voix claire, perçante et suave, ses paroles décalées, ses arrangements éthérés et son clip stylé, dépouillé, tout en finesse.

Dans cet article, le but de l’exercice est de faire l’analyse d’une chanson au niveau du texte, de la structure, et de la mélodie pour en apprendre davantage sur ce qu’elle contient et à propos de la manière dont elle est créée par l’artiste.

Découvrons la sans plus attendre.

Chansons d’auteures francophones : L’Amour en Solitaire de Juliette Armanet

Juliette Armanet, née le 4 mars 1984 à Lille, est une auteure-compositrice-interprète française.

Fille du compositeur Jean-Pierre Armanet, elle a grandi à Villeneuve-d’Ascq et a vécu en région parisienne où elle écoute en boucle Alain Bashung, Barbara et Alain Souchon. Elle a fait sa scolarité à l’école privée catholique le Bon Sauveur au Vésinet.

Après des études de lettres et du théâtre, elle est journaliste pendant six ans et fait des documentaires pour Arte et France Culture.

Juliette Armanet commence à composer ses premiers morceaux à l’âge de quatorze ans.

En 2014, elle gagne le concours de musique organisé par Les Inrocks « inRocKs lab 2014 ».

L’album

Le 7 avril 2017, Juliette Armanet sort son premier album intitulé Petite Amie chez le label Barclay.

L’album est qualifié par la chaîne Radio France Internationale (RFI) de « premier album à la sensibilité rémanente, classique et étonnant, décomplexé et précis, mélancolique et dansant » ; « L’une des plus douées de la relève de la chanson française » pour Le Figaro, « fille cachée de Sanson et Berger autant que l’héritière de Souchon et Sheller » d’après le magazine Paris Match, « révélation de la scène musicale française début 2017 » pour France Inter, elle est qualifiée de « nouvelle garde de la chanson française » par Les Inrockuptibles.

Son album Petite Amie remporte la victoire « Album révélation de l’année » aux Victoires de la musique le 9 février 2018.

Vous êtes libre de cliquer sur l’album.

La chanson commence de manière très dépouillée, juste piano voix.

Je dois dire que j’adore ce genre d’entrée en matière. Cela permet d’être attentif, captivé, directement, sans artifices.

La voix a un léger effet d’écho, ce qui lui donne une touche aérienne.

A l’heure où les chansons sont orchestrées à la manière des années 80 avec des nappes de synthétiseur, de style électro-pop actualisé, Juliette Armanet a pris le parti de mettre le piano à l’honneur dans ce titre. Nous sommes dans la veine de Véronique Sanson, influence assumée.

Chansons d’auteures francophones : les trois premiers couplets de L’Amour en Solitaire de Juliette Armanet

Solo dans ma peau (A)
Sur la plage (B)
Je me la joue mélo (A)
Je drague les nuages (B)
 
Solo dans ma fête (A)
C’est dommage (B)
À deux, c’est tellement chouette (A)
De fumer tes cigarettes sur la plage (B)
 
Solo dans le bateau (A)
Je mets les voiles (B)
Mais solo je prends l’eau (A)
Des matelots  (A)

Le style

Juliette Armanet reprend à sa manière l’expression en solo en lui enlevant la préposition  » en « .

Ce mot est utilisé en anaphore.

L’anaphore (du grec ancien ἀναφορά, qui signifie reprise) est une figure de style de la famille des répétitions. Ce procédé consiste à commencer des phrases, des paragraphes ou des vers par un même mot ou groupe de mots (dans ce cas, on parlera parfois de syntagme).

En cela, elle s’oppose à l’épiphore, qui consiste, elle à répéter un mot ou groupe de mots en fin de phrase ou de paragraphe.

Ici, ce procédé permet de rythmer le texte de manière plus fluide, de lui donner de l’harmonie, une touche musicale et originale.

On voit qu’elle fait souvent rimer le mot  » solo  » dans le différentes strophes, sans abuser de ce procédé. Elle ne le fait pas rimer dans la deuxième, ce qui permet de respirer un peu.

Une strophe est un groupement organisé de vers pouvant comporter une disposition particulière de rimes. Les strophes sont séparées, dans un poème tel qu’édité actuellement, par une ligne blanche.

Juliette Armanet utilise régulièrement l’élision dans sa manière de dire le texte.

Une élision consiste à effacer une voyelle en fin de mot devant la voyelle commençant le mot suivant.  » Je me la joue mélo  » devient  » j’me la joue mélo  » et  » De fumer tes cigarettes sur la plage  » devient  » D’fumer tes cigarettes sur la plage « .

J’ai choisi volontairement de ne pas écrire le texte élidé car c’est souvent phonétiquement que l’on élide et non à l’écrit.

La structure

On voit que les rimes sont assez réguliers dans une structure classique ABAB.

Solo dans ma peau (A)
Sur la plage (B)
Je me la joue mélo (A)
Je drague les nuages (B)

Les rimes sont construites dans une alternance deux par deux.

On parle de rimes croisées, rimes alternées ou rimes entrelacées.

Une rime est la répétition des mêmes sons à la fin de deux périodes rythmiques ou de deux vers. Les rimes sont soit féminines (se terminant par un « e » muet), tels que plage et nuages, soit masculines (sans « e » final), tels que peau et mélo. La versification classique fait alterner les rimes masculines et les rimes féminines.

Juliette Armanet commence la chanson par 3 couplets puis choisira d’en faire deux ensuite, puis encore deux à la fin. Elle ne reprend donc pas la structure de 3.

La structure initiale ne doit pas toujours être respectée. Cela permet de ne pas allonger, alourdir, inutilement le texte au dépend du sens. Cela permet aussi de garder un rythme soutenu, une cohérence générale à la chanson.

J’ai parfois tendance à tomber dans ce travers et dois alors prendre du recul pour aller à l’essentiel. Il s’agit de rester efficace pour le plus grand nombre.

Le sens

Juliette Armanet a le sens de l’autodérision car elle dit d’emblée qu’elle se la joue mélo.

Mélo qui est le diminutif de mélodrame.

Le mélodrame, du grec μέλος = chant ou musique + δράμα = action théâtrale, est un genre théâtral dramatique et populaire, qui signifie étymologiquement drame avec musique très populaire au XIXᵉ siècle, se caractérisant par des situations invraisemblables et des personnages manichéens.

En parlant de situation invraisemblable, elle est seule, solo, sur la plage et dit  » Je drague les nuages ».

Ceux qui ont été dans des endroits bondés, seuls, en attente d’un signe d’amour savent à quel point ce genre de situation peut avoir un goût pathétique.

Mais dans ce cas-ci, elle semble plutôt tournée vers elle-même car elle ne drague pas quelqu’un sur la plage mais les nuages. Son mélodrame semble lui être réservé. Rien n’indique d’ailleurs que la plage est bondée.

Elle détourne ensuite le sens de la phrase  » seule dans ma tête  » en  » solo dans ma fête « . Cela suppose qu’elle aime être dans ce mélodrame. On dirait un amour de jeunesse dans lequel on n’aime pas réellement la personne mais plutôt le sentiment d’amour.

Cela semble se confirmer par le titre de sa chanson « L’Amour en Solitaire ». L’ Amour avec un grand A et Solitaire avec un grand S.

Elle dit que c’est dommage de ne pas être avec lui parce que c’est chouette. Il y a un côté un peu enfantin à ces propos. Ce n’est pas la fin du monde, c’est juste dommage.

Le fait qu’elle aime fumer ses cigarettes, semble renvoyer à un amour intéressé et égocentrique.

On se retrouve transportés ensuite dans un bateau qui va prendre l’eau. On est dans un ton plus sérieux. Elle se rend sans doute compte que cette situation et son attitude ne la rend pas vraiment heureuse.

Le refrain

1    2     3   4    5  6
Où es-tu mon alter (6) 
1     2  3      4      5 6
Où es-tu mon mégot (6)
    1       2  3  4      5    6
Pour moi t’étais ma mère (6)
Mon père, mon rodéo (6)
Je traverse le désert (6)
L’amour en solitaire (6)

Reviens-moi mon alter (6) 
Reviens-moi mon héros (6) 
Je veux retrouver ma terre (7)
Ma bière et mon tricot (6)
Pour traverser le désert (7)
L’amour en solitaire (6)

Le style

Le fait de commencer le refrain par une question  » Où es-tu  » puis de continuer avec un impératif  » Reviens-moi  » permet un jeu de sens et de rythme dans le texte.

La structure

Au niveau des syllabes, nous avons une régularité. Il y en a 6 ou 7. Dans la plupart des chansons, le fait qu’il y ait une syllabe en moins ou en plus n’empêche pas la chanson d’être harmonieuse.

Les syllabes sont comptabilisées par une voyelle, ou plusieurs voyelles qui forment un son commun.

Je vous invite à compter les syllabes à haute voix pour l’exercice.

Le sens

Juliette Armanet détourne le sens d’alter qui désigne un altermondialiste en gardant celui d’alter égo qui désigne une personne qui a toute la confiance d’une autre et peut la remplacer en toutes circonstances.

 » Où es-tu mon mégot  » semble vouloir dire que c’est elle qui a largué son ex mais que malgré tout elle le regrette.

Elle semble ensuite se contredire en disant qu’il était tout pour elle. Il était sa mère, son père et son rodéo. Le rodéo est un jeu sportif des États-Unis et du Mexique, comportant plusieurs épreuves minutées (attraper un veau au lasso, chevaucher un taureau, ou un bronco, maîtriser un bouvillon). Elle dit, en conséquence, qu’elle aimait bien le maîtriser ou encore que c’était un bon amant.

Elle dit qu’elle traverse le désert en solitaire mais son désert ne semble pas très aride.

Tout ça semble être un peu confus.

Le fait qu’elle utilise le mot grandiloquent de héros en parlant de son ex ajoute au côté théâtral de la situation. Elle se la joue, se la raconte.

Elle semble en même temps être consciente de vouloir vivre à nouveau des situations plus simples, qu’elle a connu avec lui, en souhaitant être proche de la terre, à la campagne, loin de la foule avec une bière et son tricot.

Avoir une vie plus  » rangée « .

Est-on encore dans le cliché ou dans une réelle envie ?

Le texte de cette chanson est plein de sens, de questionnements, ce qui le rend assez jouissif.

Chansons d’auteures francophones : les deux couplets suivants de L’Amour en Solitaire de Juliette Armanet

Seule sur mon île (4)
Sur ma plage (3)
Je me tiens plus qu’à un fil (7)
Je ramasse mon coquillage fragile (9)

Solo dans ma gueule (5)
Je peux plus voir (4)
Te voir dans toutes ces gueules (6)
En miroir  (3)

Juliette Armanet casse les codes de régularité des pieds qui sont différents d’une phrase à l’autre. Cela ne se sent pas au niveau de la musique, de la mélodie. Comme quoi, les règles sont là pour les enfreindre. Il s’agit de privilégier le sens et d’arriver à faire rythmer le tout.

Elle se permet d’enlever l’adverbe  » ne  » qui donne un effet parlé;  » Je ne me tiens plus qu’à un fil « . Je ne suis généralement pas fan de ce genre de latitude mais cela correspond assez bien au ton donné à la chanson.

Au niveau de la musique, dans le morceau, je trouve que la balance entre la voix et les instruments est remarquable. Tout est clair, agréable à entendre. Rien ne prend le pas sur l’autre. Si on tend l’oreille, on remarque une multitude de petits sons de percussion. La batterie est classe, tout en douceur. Un son d’orgue nappe quelques moments. Les chœurs vont et viennent de manière fluide. La ligne de basse est agréable, discrète et présente à la fois.

Le pont

Solo je danse le slow
Sur ta plage
Je m’enroule dans les flots
Solo je fais naufrage

Mais dans le fond je m’en fous
C’est pas grave
Sans toi je devenais floue
Un point, c’est tout 

Pour la fin du morceau, Juliette Armanet choisit le pont. Le pont, comme son nom l’indique permet normalement d’aller des couplets vers un dernier refrain par un changement d’accords et de manière de chanter. Mais ici, de manière très originale, le pont permet juste à la chanson de se terminer.

Au niveau du sens elle répète encore qu’elle est seule puis avoue qu’elle s’en fout, que ce n’est pas grave. Elle utilise le passé en fin de texte  » devenait  » qui semble vouloir dire qu’elle vient de faire le deuil de cette situation. Elle dit qu’elle la rendait floue mais j’ai l’impression qu’elle ne semble pas être moins floue malgré tout ???? 

Parlons du clip. Il est en noir et blanc, épuré, simple et redoutablement efficace. Juliette Armanet est mise en lumière totale, seule, comme dans sa chanson avec un piano majestueux sur lequel elle n’hésite pas à s’allonger, comme sur la plage.

Elle porte un kimono ample. Je l’imagine assez bien arriver et s’installer comme ça au bord de la mer avec ses lunettes de soleil, façon diva.

Le reflet du piano et du sol, renvoient au côté narcissique de ses propos. Saluons la technique qui fait en sorte de ne pas réfléchir la caméra, autres matériels et artisans.

Je me demande également comment ils ont fait pour faire jouer les touches du piano seules.

Le mot de la fin

J’essaie de diversifier les analyses dans mes articles « chansons d’auteurs et d’auteures francophones ». J’aurais encore pu développer beaucoup de choses dans cette chanson mais j’essaie de ne pas être assommant.

Pour découvrir d’autres points d’étude, je vous invite à cliquer également sur les liens qui se trouvent sur ma page articles.

Avez-vous aimé ce décodage ? Trouvez-vous d’autres points remarquables ? Que pensez-vous de cette chanson ? Comment l’interprétez-vous ? Connaissez-vous la technique pour faire jouer les touches de piano seules à l’image ? Dites-moi tout dans un commentaire en bas de cette page.

Je vous invite également à écouter mon premier album 12 titres de chanson française en cliquant sur la clé ci-dessous. N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez sur ma page Facebook.

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Je m’appelle Guillaume de Lophem. Passionné de musique et particulièrement de chanson française, j’aide les artistes en herbe et professionnels qui veulent aller plus vite et plus loin dans la concrétisation de leurs projets musicaux. N’hésitez pas à VOUS ABONNER AU SITE MÉTHODE CHANSON pour être tenu au courant des prochains articles !

2 Commentaires

  1. Nico Usu

    Très intéressant cette analyse déconstruite des paroles. On imagine souvent l’auteur-e se laisser aller au feeling mais la notion de structure prend tout son sens quand on lit ton article.
    Bravo et continue comme ça !

    Réponse
    • Guillaume de Lophem

      Merci Nicolas pour ce retour encourageant et sympathique ! C’est un bonheur de savoir que l’on fait découvrir des choses aux lecteurs.

      Réponse

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