
Il y a des chansons d’auteurs francophones qui sont sensibles, poétiques, belles, comme « La mer est calme » de Ben Mazué.
Le morceau commence, tout simplement, par une voix claire accompagnée d’une guitare.
Le décor est planté directement.
Avec finesse, Ben Mazué dépeint une situation dans laquelle il est conscient que son couple est en sursis.
Dans cet article, le but de l’exercice est de faire l’analyse d’une chanson au niveau du texte, de la structure, et de la mélodie pour en apprendre davantage sur ce qu’elle contient et à propos de la manière dont elle est créée par l’artiste.
Découvrons la sans plus attendre.
Chansons d’auteurs francophones : La mer est calme de Ben Mazué
Benjamin Mazuet, dit Ben Mazué, est né à Nice le 24 janvier 1981 d’une mère professeure de français et d’un père architecte. Il est passé par le conservatoire pour étudier le piano. Durant son enfance, sa famille vit à Biot puis s’installe à Paris. À l’adolescence, il choisit de rester dans la capitale alors que ses parents retournent dans le sud. Il termine ses études de médecine avant de se lancer dans la musique à 25 ans.
Récompensé par le prix SACEM des découvertes en 2006 et le prix Paris Jeunes Talents en 2008, il est lauréat du FAIR en 2010. Il signe chez Columbia, qui édite son premier album en 2011.
Ben Mazué est est auteur-compositeur-interprète.
Le titre « La mer est calme » fait partie de son troisième album « La femme idéale » sorti en 2017.
Vous êtes libre de cliquer sur l’album.
Le premier couplet
Dm De nous deux amoureux qui bâillera le premier Gm Qui se jettera le dernier à flot Bb Qui boudera, qui sera le soûlé F Qui effacera la craie du tableau A Et qui croira encore que tout ça vaut le coup Dm Qui cherchera des poux invisibles Bb Gm F Qui de nous amoureux reprendra ses flèches pour les lancer sur une autre cible
Il est intéressant de remarquer que le mot « qui » a été choisi comme récurrence tout au long du morceau. On appelle cette figure de style une anaphore. C’est la reprise du même mot au début de phrases successives. C’est une manière de créer du rythme, de structurer le morceau au niveau des paroles, de la voix et de la musique.
Il y a une triple régularité, une triple redondance ; celle du mot « qui » au niveau du son et du sens, celle d’un placement, initial, de ce mot dans le déroulement de la chaîne langagière, et celle des sons qui le portent, vocaux comme instrumentaux.
Cela crée une accroche pour l’auditeur. Un hook ou crochet est un procédé musical, souvent un court riff, un passage ou une phrase, utilisé dans la musique populaire pour capter l’attention de l’auditeur.
On remarque aussi que Ben Mazué a choisi le futur dans l’utilisation de ses verbes. Cela crée également une récurrence de sons en « a » qui structure le morceau. On retrouve cette forme grammaticale dans tous les couplets de la chanson.
Au niveau des rimes, on voit qu’elles sont mêlées. Dans les rimes mêlées, les rimes sont disposées de façon aléatoire, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de structure précise.
Il est amusant de distinguer l’anaphore de la rime. Alors que l’anaphore répète le même mot ou groupe de mots à l’identique, la rime ne concerne généralement qu’une partie d’un mot. Elle rapproche par leur son final deux mots qui peuvent être très distants sur le plan de la signification.
Pour en savoir plus sur la manière d’écrire une chanson je vous invite a lire également l’article suivant.
Les accords
J’aime la simplicité de la guitare acoustique avec une succession d’accords simples mais terriblement efficaces.

Nous sommes en tonalité de Fa majeur, ou F en anglais, dans le morceau. La notation des accords en anglais pour les accords de guitare est généralement la norme utilisée.
Dans le sens le plus général, la tonalité est le caractère propre à toute musique fondée, dans le maniement des hauteurs, sur le principe d’une hiérarchie entre les différents degrés de hauteur, donnant à certains d’entre eux, et surtout à l’un, la tonique, le statut privilégié de notes attractives vers lesquelles tendent les autres degrés, et sur lesquelles on se repose.
On peut dire que l’accord F est celui vers lequel la musique a toujours tendance à revenir. Faites l’exercice et vous verrez qu’avec le chant on termine les blocs de phrases sur l’accord de F.
Le premier refrain
Gm Bm La mer est calme (4) F Je la regarde (4) Gm J'attends les remous (5) Bb Les grandes lames (4) F Et les hallebardes (4) Gm Qui emportent tout (5) F Qui emportent tout (5)
La forme grammaticale change dans le refrain. On passe à la première personne du présent. Cela crée un tension dramatique. Pour l’instant, au présent, tout va bien, c’est calme, mais dans le futur ce sera le chaos. Il se prépare mentalement à cet état de fait.
Dans les couplets, il dit « nous » et dans le refrain il dit « je ». Il est conscient que leur couple bat de l’aile et qu’ils vont se séparer. Le passage au « je » permet à l’auditeur de se projeter davantage et de se mettre à la place de la personne qui attend.
Une nappe de synthétiseur commence à partir du refrain. C’est une manière d’appuyer le changement avec le couplet.
Les accords changent là où Ben Mazué accentue certains moments dans les phrases avec sa voix. On écrit les accords au-dessus de ces moments pour savoir comment jouer et chanter.
Au niveau des pieds dans le refrain, on voit que les vers ont tous plus ou moins la même métrique. Il y a 4 ou 5 pieds.
Cela crée un dessin harmonieux au niveau de la structure des blocs de phrases, au niveau des strophes. Cette harmonie se retrouve également dans les couplets.
Chansons d’auteurs francophones : le deuxième couplet de La mer est calme de Ben Mazué
De nous deux amoureux Lequel connaîtra d'abord la paresse des caresses Et se jettera alors dans des discours sans fin Se noyant dans quelques prétextes Qui tombera de haut Se tordra les boyaux Qui sera la première des victimes Lequel de nous deux amoureux prépare en secret Le grand crime
La basse entre en scène dans le deuxième couplet. On reste malgré tout dans un style très épuré.
Pour avoir plus de légèreté, et permettre au texte de s’aérer un peu, il n’y a que deux fois le mot « qui » répété dans le texte. Il en remplace deux par « lequel ».
Au niveau du rythme, la chanson est en trois temps. Le temps fort est sur le premier temps. C’est une valse.
Vous pouvez essayer de compter le rythme à haute voix en accentuant le premier temps. Un, deux, trois, Un, deux, trois, etc.
Le bpm est de 108.
Le battement par minute, couramment abrégé par le symbole bpm, est une unité de mesure utilisée pour exprimer le tempo de la musique ou le rythme cardiaque, quantifié par le nombre de battements se produisant en une minute.
Pour trouver facilement le tempo d’une chanson vous pouvez vous rendre sur le site songbpm. Il suffit de faire une recherche avec le nom de la chanson.

Vous pouvez vous exercer chez vous à jouer la chanson à ce rythme grâce à un métronome manuel ou digital.
Mais, vous pouvez aussi, tout simplement, télécharger une application sur votre téléphone telle que Natural Metronome.
Le deuxième refrain
La mer est calme Je la regarde Et j'attends les remous Les grandes lames Et les hallebardes Qui emportent tout Qui emportent tout
On est sur un autoroute. Tout les couplets et le refrains sont quasi identiques au niveau de leurs structures. Ben Mazué a tout cadré, tout est très recherché et travaillé. Il n’y a pas grand chose qui dépasse. Cela pourrait manquer un peu de fantaisie s’il n’y avait pas de magnifiques métaphores, de belle images qui nous font vibrer dans le texte.
J’aime bien, par exemple, le détournement de certaines expressions comme « j’attends les hallebardes ». L’expression « il tombe des hallebardes » est utilisée lors d’une pluie intense et fait référence à une pluie si forte que les gouttes pourraient nous transpercer comme des hallebardes feraient à des cavaliers.
Pour ma part, c’est un exercice que j’aime particulièrement quand j’écris des chansons. En cherchant du sens et des rimes on transforme certains mots, certaines expressions pour les faire siennes. On découvre de nouvelles significations, de nouveaux univers. Le fait de trouver la bonne image, du bon mot, à un côté très jouissif.
Par contre, j’aurais peut-être laissé un silence sans dire le « Et » de « Et les hallebardes » car une hallebarde est une lame.

C’est comme s’il y avait une redondance. Même si « Les grandes lames » ici a un double sens :
- Les lames de fond. Une lame de fond est le déferlement d’une ou plusieurs vagues d’une taille considérablement plus grande que les autres, susceptible de provoquer des noyades et des destructions sur le rivage sur lesquelles elles s’abattent. En langage imagé, on évoque une lame de fond pour parler de quelque chose de puissant et relativement imprévisible.
- Les lames, bandes plates et mince d’une matière dure comme le métal.
Mais il a sans doute pris le parti faire ressembler cette phrase à « Et j’attends les remous ».
Le troisième couplet
Qui craquera le premier Qui sera l'imbécile Et qui un soir d'été fera tout éclater Qui craquera le dernier Qui sera l'amnésique Qui au fil des années pourra tout oublier Qui pourra pardonner Et puis l'éponge passée après quelques années Et les épaules tassées Qui dira "c'est assez" Qui aura le courage d'avouer que tout ça n'était qu'un grand mirage
C’est à ce moment là que tous les instruments sont réunis. La batterie entre en scène et permet d’appuyer sur le côté dramatique de la situation. Il y a une certaine résolution du conflit avec la prise de décision de terminer une relation qui est en bout de course.
Le fait d’avoir les instruments qui arrivent petit à petit, tout au long de la chanson, accompagnent le texte vers ce climax. La « tension » augmente au fur et à mesure que la chanson avance.
On retrouve les répétitions du mot qui.
Comme dit plus haut, le dessin des strophes est très régulier tout au long du morceau.
Une strophe est un groupement organisé de vers pouvant comporter une disposition particulière de rimes. Les strophes sont séparées, dans un poème tel qu’édité actuellement, par une ligne blanche. Dans des éditions anciennes, l’existence de la strophe pouvait n’être repérable que par sa cohérence interne (par exemple par la ponctuation ou la disposition rimique).
Un vers commence par une majuscule et se termine par une homophonie, c’est-à-dire un même son que l’on retrouve dans le poème. C’est ce qu’on appelle les rimes.
Un vers est une ligne de mots dans un poème ou une chanson poétique. Chaque vers a un sens à lui seul.
Le vers se délimite par son nombre de syllabes ou de pieds.
Chansons d’auteurs francophones : le troisième et dernier refrain de La mer est calme de Ben Mazué
Et j'attends les remous Les grandes lames Et les hallebardes Qui emportent tout Qui emportent tout Qui emportent tout
Je trouve cela très sympa d’avoir des chœurs qui s’ajoutent au dernier refrain. C’est un ultime ajout qui donne un effet funky sympathique avec la voix sur laquelle est ajoutée un effet réverbe à ce moment-là.
La réverbe vous permet de transporter un auditeur dans une salle de concert, une cave, une cathédrale ou un espace intimiste. Cela permet aussi aux harmoniques naturelles ou ajoutées d’une source sonore de resplendir et ça ajoute à votre mixage un peu plus de chaleur et d’espace.
Les nappes de synthés disparaissent à la fin telles des vagues, comme la phrase « qui emporte tout » qui est répétée trois fois.
Le mot de la fin
J’essaie de diversifier les analyses dans mes articles « chansons d’auteurs et d’auteures francophones ». On aurait encore pu développer beaucoup de choses dans cette chanson mais j’essaie de ne pas être assommant.
Pour découvrir d’autres points d’étude, je vous invite à cliquer également sur les liens qui se trouvent sur ma page articles.
Avez-vous aimé ce décodage ? Trouvez-vous d’autres points remarquables ? Que pensez-vous de cette chanson ? Dites-moi tout dans un commentaire en bas de cette page.
Je vous invite également à écouter mon premier album 12 titres de chanson française en cliquant sur la clé ci-dessous. N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez sur ma page Facebook.

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