
La chanson est-elle un art mineur ou majeur ? Avant toute chose, on peut se demander si la classification au niveau de l’importance accordée entre les arts peut avoir un sens objectif.
En effet, pourquoi vouloir hiérarchiser l’art, pourquoi vouloir comparer les disciplines artistiques alors que l’art ne se mesure qu’avec l’émotion, qui est une notion subjective ?
Voyons cela ensemble dans cet article !
L’art procure une émotion

Une personne sera émue par telle ou telle chanson, par tel ou tel tableau alors qu’une autre y sera insensible. L’art, via la création, procure avant tout une émotion. La chanson, n’échappe pas à ce principe. La personne qui crée, crée à partir d’un sentiment et trouvera sans doute au moins une autre personne pour vibrer face à l’œuvre elle aussi.
A cet égard, parler d’art majeur ou mineur n’a pas de sens.
La chanson est-elle un art mineur ou majeur? Point de vue historique

D’un point de vue historique, la classification des arts a toujours connu des divergences. D’ailleurs, la liste des arts « reconnus », au nombre de dix aujourd’hui, ne fait qu’augmenter en fonction de l’évolution des activités humaines :
- l’architecture ;
- la sculpture ;
- les arts visuels, qui regroupent la peinture et le dessin ;
- la musique ;
- la littérature, qui regroupe la poésie, les romans et tout ce qui se rattache à l’écriture ;
- les arts de la scène, qui regroupent la danse, le théâtre, le mime et le cirque ;
- le cinéma (dans lequel on inclut de manière générale le long métrage et le court métrage, mais aussi d’autres œuvres audiovisuelles comme les séries télévisées et téléfilms dont les exigences dans la mise en scène et le scénario se rapprochent de celles du cinéma au sens strict) ;
- les arts médiatiques, qui regroupent la radio, la télévision et la photographie ;
- la bande dessinée ;
- les jeux vidéo et le multimédia.
Serge Gainsbourg, le provocateur

Serge Gainsbourg, ou plutôt Gainsbarre, lors du célèbre clash qui l’oppose à Guy Béart, soutient que la chanson est un art mineur.
Cela se produit sur le plateau de l’émission Apostrophe, de Bernard Pivot, le 26 décembre 1986.
Serge dit qu’il faut une initiation pour que l’art soit considéré comme majeur. Pas comme la chanson.
Guy Béart, lui, estime qu’il n’y a pas d’art mineur. Pour lui, la chanson est d’une importance capitale dès l’instant où celle-ci a de l’importance pour celui qui la crée et celui qui la reçoit et qu’on est initié dès le plus jeun âge à la chanson.
Pourquoi Serge Gainsbourg tient-il ses propos ?
Est-il frustré de ne pas avoir continué la peinture ? A-t-il eu envie d’en découdre sous l’effet de l’alcool ? Est-ce un coup médiatique? Serge a-t-il des remords d’avoir repris des airs de musique classique pour faire certaines de ces chansons ?
J’aime la grande musique. Moi je fais de la petite musique. De la musiquette. Un art mineur. Donc, j’emprunte.
Serge Gainsbourg
Voici quelques-unes de ses chansons inspirées du répertoire classique :
- Lemon Incest / Etude n°3, op.10 de Chopin ;
- Initials B.B. / Symphonie n°9, 1er mouvement de Dvorak ;
- Poupée de cire, poupée de son / Sonate pour piano n°1 de Beethoven – le deuxième thème ;
- Charlotte for Ever / Andantino d’Aram Khatchatourian ;
- Ma Lou Marilou / Sonate pour piano n°23, op.57 de Beethoven ;
- Requiem pour un con / symphonie n°9, quatrième mouvement de Dvorak.
Se cache-t-il derrière une fainéantise ou derrière une roublardise ? Est-il simplement orgueilleux, triste et méchant ce jour-là ?
Voici d’autres propos qu’il a tenu.
Moi je n’ai pas d’idée, j’ai des associations de mots, comme les surréalistes ; carence d’idée. Ca cache un vide absolu, je suis sous vide. Je serai fusillé d’une balle rouillée et mourrai du tétanos.
Serge Gainsbourg
Le péché d’orgueil
Lors de cette même émission, Serge Gainsbourg commet un péché d’orgueil en disant que seules certaines de ses chansons ont frôlé l’art majeur, frôlé Rimbaud. C’est pourquoi, je pencherais vers la théorie de l’orgueilleux, triste et méchant en sachant qu’il a été contemporain de grands maitres de la chanson tels que Brassens, Léo Féré, Jacques Brel et Barbara.
A cet égard, j’aime et suis assez aligné avec les paroles du titre « Provocateur » d’Isolde Lasoen concernant, entre autres, Serge Gainsbourg.
La preuve en est qu’à d’autres moments il encensait ceux-là mêmes qu’il a critiqué
Et qu’il recevait lui aussi des conseils des maîtres
Initiation par les maîtres

Pour Serge Gainsbourg, l’art est majeur si pour l’exercer l’artiste a été initié par un maître, si l’apprentissage pour le maîtriser a été long comme pour la peinture, l’architecture, la poésie ou la musique classique.
Je pense qu’un auteur est d’abord inspiré par des maitres qui lui ont procuré une émotion à travers leurs chansons. Pour aller plus loin, faire de la chanson un métier, il doit ensuite aborder l’aspect technique.
L’aspect technique
Cette initiation se fait lors de rencontres, stages ou ateliers d’écriture, par l’étude de leurs propos et par l’analyse technique de leurs textes. L’auteur va d’abord s’en inspirer pour s’en détacher petit à petit et trouver sa vérité, transcender ce qui a existé avant lui pour livrer au monde son unicité.
Pour ma part, et ce depuis mes 15 ans, je suis encore en train d’apprendre pour savoir comment écrire une chanson, pour aller vers le plus de sincérité possible. J’ai d’abord fait les choses de manière plus ou moins inconsciente, puis j’ai imité certains grands de la chanson. J’ai ensuite essayé de plaire et aujourd’hui, je fais ce que j’aimerais écouter, ce que j’ajouterais dans ma playlist.
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Comme le disait Jacques Brel, le talent au sens artistique n’existe pas. Le talent c’est avoir envie de faire quelque chose, de réaliser un rêve. Tout le reste c’est de la sueur, de la transpiration et de la discipline. Il disait qu’il ne savait pas ce qu’était l’art ou un artiste mais il croyait aux gens qui travaillent à quelque chose avec une grande énergie.
Propos que je nuancerais en disant que l’inspiration et le début du travail vient par la mise à disposition de la création.
Voici ce qu’en dit Charles Aznavour dans l’interview La grande libraire, France Télévisions, Charles Aznavour retient la vie à 5 :24. (le reste est très intéressant également, à tous points de vue, à propos de la chanson).
On a dit que c’était un art mineur. Mais un art qui devient planétaire par une chanson, ça n’est pas mineur. On a le plus grand nombre pour une chanson que pour un livre.
La grande libraire, France Télévisions, Charles Aznavour retient la vie
Conclusions – La chanson est-elle un art mineur ou majeur ?
Je dirais que d’un point de vue émotionnel, donc subjectif, il n’y a pas d’intérêt de faire une différenciation mais bien d’un point de vue technique.
Sans hésiter, je soutiens donc que la chanson est un art majeur car contrairement à ce que certains pensent, ou font penser, dont Gainsbourg lors de l’émission, il faut des heures, des années de travail pour atteindre une certaine maturité dans l’écriture, dans la création de chanson. Cela se fait en passant par pleins d’étapes d’apprentissage transmises par d’autres artistes, d’autres maîtres, à travers leurs œuvres, leurs conseils et l’expérience du terrain.
J’espère que vous avez aimé l’article « La chanson est-elle un art mineur ou majeur ? ». Et vous, qu’en pensez-vous ? La chanson est-elle un art majeur ou mineur selon vous ? Pensez-vous que Serge Gainsbourg avait tort ? Pensez-vous que Charles Aznavour avait raison ? Je vous invite à PARTAGER VOS QUESTIONS, AVIS ET IDÉES DANS UN COMMENTAIRE EN BAS DE CET ARTICLE !
Je m’appelle Guillaume de Lophem. Passionné de musique et particulièrement de chanson française, j’aide les artistes en herbe et professionnels qui veulent aller plus vite et plus loin dans la concrétisation de leurs projets musicaux. N’hésitez pas à VOUS ABONNER AU SITE MÉTHODE CHANSON pour être tenu au courant des prochains articles !
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Je suis assez favorable à l’art majeur. On est souvent inspiré par des maîtres capables de communiquer des émotions.
Hello Samuel. Merci pour ton commentaire. Tout à fait d’accord avec toi au sujet des émotions qui donnent envie d’aller plus loin dans la technique.
Personnellement je trouve que Serge Gainsbourg a réussi à améliorer Dvorak, c’est un faussaire de génie. Si on parle de parcours, oui je pense que quelque part, il n’a pas tord. J’estime qu’il existe une différence entre les influences (d’un artiste quelconque ) et le suivi, la formation et l’héritage réel d’un maître à son disciple. Mais le résultat du parcours, ce que j’entends en tant qu’ auditeur, ne varie pas en fonction du cheminement de l’artiste. Je ne me soucie guère de l’influence ou de l’initiation de l’artiste. Ce morceau me touche et je considère que le reste est pour ma part de l’ordre de la cuisine interne. Maintenant je comprends l’analyse de ces notions sur methodechanson.com.
Hello Cardinael, merci pour ce commentaire. Je trouve également que Gainsbourg a du génie, à sa manière. J’aime écouter ses titres de « faussaire ». Je pense aussi qu’il faut une initiation et qu’il faut pousser l’apprentissage en profondeur pour pouvoir transcender la technique et comme je le disais dans l’article, la chanson n’échappe pas, selon moi, a cette règle. Tous le grands ont galéré avant de sortir des chansons abouties. Brel, Brassens et Barbara n’auraient peut-etre pas été là si Charles Trenet ne les avait pas précédé. Mais là n’est pas la question de l’article ????